Créer pour se relier : un acte simple, une transformation profonde
Quand la création devient lieu de passage
Par Magali Danjan – Accompagnante des émotions et des passages de vie, fondatrice de Plumes
Le 20/06/2025
Créer pour se retrouver quand les mots ne suffisent plus
Il y a des moments dans la vie où l’on traverse sans comprendre. Des moments de trop-plein, ou au contraire de vide. Des jours où l’on se sent saturée, et pourtant coupée de soi. On sait qu’on ressent, mais on ne sait plus quoi. On sent que quelque chose pousse à l’intérieur, sans savoir comment lui donner forme. On voudrait ralentir, respirer, comprendre. Et parfois, on n’a même plus la force d’essayer.
Créer, dans ces instants-là, n’est pas une solution. C’est une respiration. Un retour à soi.
Créer, ce n’est pas produire. Ce n’est pas réussir. Ce n’est pas faire joli. Créer, c’est poser une trace de ce qui se vit, là, en soi. Une trace qui ne demande ni justification, ni évaluation. Une trace qui n’a pas d’objectif. Juste une place.
« Créer n’est pas un choix. C’est une nécessité intérieure. »
— Rick Rubin, Créativité, un art de vivre
Ce que j’observe depuis des années — et que je vis aussi — c’est que l’acte créatif permet de se reconnecter à soi dans une forme de vérité nue. Il n’a pas besoin de mots. Il ne cherche pas à convaincre. Il donne corps à ce qui attendait d’être entendu.
Quand la création devient lieu de passage
Dans les moments de rupture, de transformation ou de confusion — burn-out, deuil, séparation, changement d’identité professionnelle ou personnelle — les repères tombent. Et avec eux, parfois, la capacité à parler. Les mots se dérobent. Ou bien ils sont là, mais tournent en boucle. Créer offre alors une autre voie.
Carl Gustav Jung, dans ses travaux sur le processus d’individuation, a décrit ce qu’il appelait la « fonction transcendante » : un espace où l’inconscient et le conscient peuvent dialoguer, non par le raisonnement, mais à travers l’image, le geste, le symbole.
Frédéric Lenoir le résume ainsi :
« La mise en forme artistique favorise l’émergence de symboles, comme les mandalas, tout en apportant une satisfaction esthétique qui apaise l’âme. La compréhension, quant à elle, apporte du sens : elle permet d’appréhender le langage codé et symbolique de l’inconscient. Ces deux chemins sont nécessaires et complémentaires. »
À travers une image, un trait, une superposition de formes, il devient possible d’entrer dans un dialogue intérieur sans se forcer. Une personne m’a dit un jour après une session de collage : « J’ai l’impression d’avoir vidé un tiroir qui n’existait pas encore dans ma tête. »
Ce tiroir, c’était une part d’elle qui attendait une langue qu’elle connaissait déjà, mais qu’elle avait oubliée : la langue de la forme.
L’enfant, l’adolescent et le besoin de créer pour exister
Chez l’enfant, la création est instinctive. Avant même de parler, l’enfant trace, joue, assemble. C’est sa manière d’explorer, de comprendre, d’exprimer. Quand un enfant vit une émotion trop forte, il ne l’explique pas. Il la joue. Il la dessine. Il la construit ou la détruit symboliquement.
Isabelle Filliozat explique que l’enfant ne pense pas en mots, mais en images et en sensations. Pour elle, la mise en forme, même maladroite, d’une émotion ou d’un ressenti, permet au cerveau de l’intégrer.
« Ce qui n’a pas pu être exprimé s’imprime. Ce qui est exprimé s’allège. »
— Isabelle Filliozat, L’intelligence du cœur
Jean-Pierre Klein parle de la création comme d’un « espace tiers » : un lieu symbolique qui permet de se réorganiser sans être menacé, un espace suffisamment proche du monde intérieur pour être sincère, mais suffisamment à distance pour être supportable.
Melanie Klein, quant à elle, a introduit la notion de « réparation symbolique » : créer permet de réparer, en soi, ce qui a été vécu comme une perte, une rupture ou un trauma. Par le jeu, le collage, la forme, l’enfant réorganise son monde.
Et cela vaut aussi pour l’adolescent. Chez lui, la création n’est plus jeu, mais territoire. Elle devient espace d’affirmation, de contestation, de narration. Elle est souvent brute, maladroite, mais d’une puissance rare.
L’ado qui écrit des textes coup de poing, qui déchire et recolle, qui noircit une page sans explication, est en train de dire quelque chose de fondamental : je suis là. Et ce « je suis là » est un point d’ancrage.
L’adulte et le besoin de se reconstruire en dehors du langage
Chez l’adulte, le geste créatif est souvent plus difficile à initier. On doute. On juge. On craint de ne pas être « capable », « légitime », « doué ». C’est que l’école, le regard social, et parfois même nos proches, ont associé la création à une performance.
Et pourtant, c’est bien souvent à l’âge adulte que le besoin de créer devient vital.
Une femme, après un deuil douloureux, a un jour pris un vieux cahier, et chaque jour, elle y collait des images qui « faisaient du bien à son regard ». Aucun but. Aucun commentaire. Juste une routine. Elle a fini par dire : « C’est comme si je rééduquais mon cœur à voir du vivant. »
Créer, dans ces moments-là, est une manière de remettre du sens dans une vie qui n’en a plus. Ou d’en fabriquer un autre. Un sens qui passe par le corps, le rythme, le souffle. Pas par le mental.
Créer sans projet : le dépouillement comme sagesse
Dans Créativité, un art de vivre, Rick Rubin nous invite à créer sans attente. À laisser émerger ce qui veut naître, sans volonté de briller, sans désir de convaincre.
« L’art va au-delà des histoires qu’on se raconte à soi-même. »
Ce que Rick Rubin propose, c’est un dépouillement. Créer, non pas à partir de ce qu’on sait, mais à partir de ce qu’on ressent. Créer sans but. Créer pour écouter. Créer comme on respire : sans but, mais avec présence.
Cela rejoint une posture de vie. Être dans l’instant, dans l’écoute fine, dans le geste juste. Cela suppose de lâcher le besoin de contrôle, d’efficacité, de retour. Et cela demande une confiance rare. Mais cette confiance peut se cultiver. Elle peut se goûter.
Et elle transforme.
Créer comme résistance douce
Créer, aujourd’hui, c’est aussi résister à un monde qui nous pousse à aller vite, à produire, à rentabiliser chaque instant. Créer, c’est ralentir. C’est prendre le temps de sentir. C’est dire : je ne suis pas une machine.
Créer, c’est une écologie intérieure. C’est un soin profond. Et c’est un acte de souveraineté.
Quand on crée, on redevient auteur·rice de sa propre narration. On ne subit plus ce qui arrive. On lui donne une forme. Un nom. Une matière. Et cette forme nous regarde. Elle nous dit : tu es capable de transformation.
Créer pour se relier à soi… et aux autres
Créer ne nous isole pas. Au contraire. Cela nous met en relation.
Une relation plus vraie, plus sensible, plus silencieuse parfois. Une relation où chacun peut dire sans blesser, déposer sans expliquer, recevoir sans juger.
Combien de fois ai-je vu des personnes, pourtant si différentes, se retrouver dans la résonance d’un collage, d’un mot écrit à l’encre bleue, d’une forme dessinée à l’aveugle ?
Créer nous relie à ce qui est commun en nous : ce besoin d’être vu, entendu, accueilli. Non pas pour ce que nous faisons. Mais pour ce que nous sommes.
Conclusion : créer n’est pas un plus. C’est un fondement.
Créer n’est pas réservé à une élite. Créer n’est pas une activité secondaire. Créer n’est pas un outil.
Créer, c’est une voie. Un soutien. Un geste d’alliance avec soi-même.
C’est un moyen d’habiter plus justement son monde intérieur. De traverser ses émotions, ses passages de vie, ses métamorphoses, avec plus de douceur, plus de vérité, plus de souffle.
Et cela ne demande aucun talent.
Juste une place.
✨ Magali Danjan est accompagnante des émotions et des passages de vie. Fondatrice de Plumes, elle propose des espaces d’expression sensibles et respectueux, où la création devient une voie d’intégration, de transformation et de reconnexion à soi.
🌐 www.plumes-arttherapie.fr
Références
- Rick Rubin, Créativité, un art de vivre, Alisio, 2024
- Carl Gustav Jung, L’homme à la découverte de son âme, Albin Michel, 1987
- Frédéric Lenoir, Jung, un voyage vers soi, Albin Michel, 2021
- Isabelle Filliozat, L’intelligence du cœur, Edition Lattes, 1997
- Jean-Pierre Klein, L'art-thérapie, Que Sais-je, 1997
- Melanie Klein, L’amour et la haine, Petite Bibliothèque Payot, 2016
- Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups, Grasset, 1996
Et si c’était le moment d’écouter ce qui cherche à s’exprimer en vous ?
Je vous propose des espaces sensibles pour déposer, créer, et transformer — à votre rythme. Que ce soit en séance individuelle, en atelier de groupe ou au sein d’une structure, chaque geste posé devient un chemin vers soi.
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🕊️ Exprimer. Libérer. Avancer.
Parce que chaque forme posée est une vérité reconnue, et chaque création une respiration retrouvée.
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